CURRY POWDER ⛷

« La prochaine fois que je reviens en Inde, ce sera avec mes skis »

Un voyage au coeur de l'Inde avec pour objectif d'effectuer la première à ski du Tharang I et II. Etienne, Tristan, David et Maxime (passionnés de montagne et de ski alpinisme, dont trois moniteurs de ski) n’ont jamais réalisé d’expédition dans cette partie du monde, s’est une première pour eux. Régis met à profit son expérience et ses connaissances en matière d’expédition en Himalaya et partage son vécu avec les quatre jeunes amis issus du même village : Monêtier Les Bains. Cette expédition nécessite une autonomie complète d’une vingtaine de jours.

15 Mai 2019 - Arrivée à l'aéroport de New Delhi

L'équipe arrive au complet ! Nous apprenons que le col du Rothang (3950 mètres) qui nous ouvre les portes des montagnes, n’est pas encore ouvert. Selon les dires, il reste encore sept kilomètres de route à déneiger. On envisage toutes les solutions pour franchir ce col, seul passage possible pour rejoindre le point de départ de notre expédition. 

Prem, notre contact local, nous conseille d’attendre… Est-ce qu’il faut commencer à réfléchir à changer notre destination ? C’est là que l’on apprend que nous pourrons passer dans deux jours, yes ! Au lendemain, Prem m’appelle pour me dire que nous partons aujourd’hui à 14h00, encore mieux !

La quantité de neige augmente au fur et à mesure de notre montée, les murs taillés de part et d’autre de la route se font de plus en plus étroits. Au passage du col, il arrive que les rétroviseurs touchent simultanément les murailles qui nous entourent. Il y a par endroits plus de 10 mètres de neige, incroyable !

Le lendemain nous arrivons vers midi au village d’Urgos, aux portes de la vallée du Miyar. Nous ressentons déjà les premiers effets de l’altitude, nous manquons d’air.

Au matin, les sacs sont prêts, après sept jours de voyage, nous voilà enfin en action ! Ça fait du bien de se dégourdir les jambes et de découvrir au fur et à mesure les paysages incroyables qui nous entourent. Les dimensions sont doublées voire triplées par rapport à ce que l’on a l’habitude de voir en Europe. Nous passons le dernier village, nous voilà enfin seul parmi les vaches et les yaks. Après cette journée de marche, nous installons le camp de base à 3800 mètres.

Le lendemain, la laborieuse phase de « mule » est lancée, nous comprenons un peu mieux ce que les animaux ont endurés pendant une journée à transporter notre matériel deux jours auparavant. Nous partons le 23 Mai à 6h00 pour trouver l’emplacement de notre supposé camps 1 à 4300 mètres d’altitude. Nous installons le camp, les tâches se répartissent naturellement : certain se reposent en restant assis à faire fondre la neige pour alimenter les 15 litres d’eau que nous buvons quotidiennement à cinq, d’autres nivellent le terrain et montent les tentes. L’altitude se fait déjà bien sentir : si l’on est affairé à manier la pelle la tête vers le bas, on a la tête qui tourne dès que l’on se redresse. Alors parfois on travaille assis, en prenant notre temps. 

Dimanche 26, départ pour le Tharang Fang à 5490 m, une arrête surmontée d’une dent sommitale granitique d’une vingtaine de mètres. Nous partons léger pour la première fois depuis le début du trip, quel bonheur ! Après une progression en crampons sur une belle pente en neige dure à 35°, on rejoint l’arrête. . Régis nous fait une belle démonstration de singerie en crampons sur le rocher – ce qu’il préfère en alpinisme, nous avoue-t-il par la suite. Le voilà en équilibre sur ce fin morceau de granit suspendus au-dessus du vide. Tristan, son fils, l’assure depuis le bas avec le brin de corde rouge qui semble être le cordon ombilical sortis directement des entrailles de la passion de son père Régis. Nous restons là, sur l’arrête à observer le funambule qui nous rejoint suivi de Tristan, notre premier sommet Indien à skis, la joie est intense.

Mercredi 29, nous sommes enfin tous réunis au camp 3, le plus avancé à 5370 m. On est maintenant au cœur de l’élément, au pied des trois Tharang qui nous dominent. Le camp est installé, deux tentes et l’espace cuisine du midi : une banquette en neige qui fait face au « bar des neige ».

Nous commençons par le Tharang III à 5880 m, le plus accessible. Lors de l’ascension, on entend le « whoum » caractéristique d’une rupture de couche fragile à proximité de notre itinéraire, significatif d’un risque de départ d’avalanche. Nous sommes en alerte et décidons d’éviter une pente importante en remontant le long d’une arrête, à l’abri. Nous arrêtons notre progression 20 mètres sous le sommet, la dernière arrête d’une centaine de mètres de long est agrémentée d’une immense corniche. Nous ne voulons pas nous risquer à évoluer sur cette zone potentiellement instable qui nous projetterai 500 mètres plus bas… La vue est évidemment indescriptible, des sommets enneigés à perte de vue. Nous avons aussi un point de vue privilégié sur nos deux objectifs principaux que sont les Tharang I et II. La face visible du Tharang II est peu accueillante puisque nous y avons vus des départs spontanés d’avalanches. Pour le moment nous sommes dans une phase d’observation, avant de décider comment s’y prendre pour les gravir. Nous descendons du Tharang III en profitant de chaque virage.

Lundi 3 Juin, départ dans la nuit à 4h00 du matin, il fait -10°C et le temps est clair, les conditions sont idéales. Nous empruntons les marches taillées la veille par Régis et Étienne pour atteindre le col des Tharang à 5700 m, avant de descendre en face sud et de rejoindre le pied du couloir sud-est débouchant au sommet du Tharang II. Après tous ces jours passés en altitude nous sentons la fatigue accumulée, en particulier Tristan qui peine à suivre notre rythme pourtant déjà lent. Des choucas lui tournent autour, il est tellement fatigué qu’il commence à croire que ces oiseaux lui en veulent et commencent à l’attaquer, heureusement qu’en réalité non ! On le soutient au maximum pendant que Régis s’occupe de la sécu. Il installe un relais à 30 mètres de la corniche sommitale afin de nous assurer mutuellement en cas de chute, aussi pour prévenir l’instabilité du manteau neigeux en face nord. On finit pas à pas et nous voilà réunit sur l’arrête sommitale, avec la concentration et la fatigue accumulée j’ai du mal à réaliser ce que l’on vient d’accomplir. Nous profitons ensemble de ce moment unique, nous replongeons vite dans la concentration et mettons en place les manœuvres de sécurité pour quitter un à un l’arrête. La descente dans le couloir est un vrai régal sur une neige un peu ramollie par le soleil. Arrivés au camp 3, nous sommes épuisés, je m’allonge directement dans la tente sans bouger pendant un bon moment, idem pour les autres. Le soir l’orage gronde autour de nous, un éclair tombe à moins de 300 mètres, pas très rassurant !

Mardi 4 Juin, nous descendons au camp de base en récupérant la totalité du matériel des camps 2 et 3. Nous nous entraidons pour charger sur notre dos des sacs de plus de 30 kilos, le poids fini d’entamer la fatigue de mes jambes en activité depuis maintenant 15 jours !